Le train du toit du monde
Ca y est, les papiers sont en règles. Ce fut difficile mais je peux enfin visiter légalement le Tibet. Et pour bien faire il faut s'y rendre par le train le plus haut du monde. C'est le fameux train pressurisé dont tout le monde parlait il y a encore quelques années. Il traverse par des régions gelées d'un bout à l'autre de l'année et passe par le col de Tanggula a plus de 5000 mètres d'altitude.
En apparence c'est un train chinois classique. Mis à part ces petites réserves d'oxygène en cas de malaise, tout est semblable. On retrouve les 5 classe, lit mou, lit dur, siège mou, siège dur et sans siège. Le défilé de chariots proposant grande beuverie et moulte ripaille au voyageur dépensier. Le wagon restaurant dont la file d'attente s'étend jusqu'à trois wagons plus loin aux heures de repas. La lumière qui s'éteint à dix heure et la musique qui reprend à sept heure, respectant ainsi le cycle de sommeil chinois. Moi qui m'attendais à un train aussi futuriste que kitsch avec une apparence de Concorde et un intérieur semblable à celui de l'Entreprise, je suis déçu.

Un petit jeu : comment écrit-on « dioxyde de carbone » en tibétain ? C'est pas si dur que ca en a l'air, il suffit d'être un peu observateur. Le réponse est à la fin de l'article.*
Le train mettra deux jours et deux nuits pour arriver à destination. Et pour cause, il fait un joli tour de la Chine de l'ouest. C'est pas direct, ca va lentement et ca passe par de beaux paysages. C'est un peu comme le petit train d’Eurodisney mais là, ca demande beaucoup plus de patience. Bien que le train n'avance pas en suivant des lignes droites comme je l'ai dessiné, l'itinéraire ressemble à peu près à ceci.

Le Gansu (甘肃) : une des trois grandes provinces musulmanes de Chine. On arrive à la limite des régions Han. C'est un coin assez désertique et surpeuplé. Partout, les gens ont placé des serres pour tenter de faire pousser quelque chose mais ca ne donne pas grand chose. Par contre on trouve des petites maisons disséminées un peu partout. A l'approche du Qinghai, la végétation devient un peu plus dense mais c'est pas encore vraiment ca. C'est pas ici que j'aimerai vivre, j'aime les endroits plus verts.
Le Qinghai (青海) : l'endroit par excellence dans lequel je reviendrais. Pas besoin de visa ou de guide. Ici une tente, une boussole et des provisions suffisent à voyager. Ce sont des collines vertes où sont logés de petits villages perdus au milieu de nul part. Le sol est sillonné de petites rivières. Bref, ca a l'air d'un endroit super agréable pour faire de la marche. Par contre j'imagine qu'il faut bien s'équiper parce qu'il n'y a pas un village derrière chaque colline.

On est déjà haut, on retrouve une spécificité du plateau tibétain : il n'y a pas d'arbres.

Le lac Qinghai, c'est le plus grand lac salé du monde. Il nous a encore fallut plusieurs heures pour le longer.

Le Tibet (西藏) : excepté les passagers qui venaient se coller sur une vitre puis sur l'autre comme de grosses mouches ébaillies à chaque nouvelles découvertes, on a passé près de trois heures sans rien voir de vivant, pas d'homme, pas de vaches, pas de moutons, pas d'oiseau, pas même un arbre... rien. Juste de la plaine.
On s'est arrêté dans des gares qui n'en portaient que le nom. Des quais au milieu de la plaine. Même en scrutant aussi loin que vous pouvez, n’apercevrez aucune d'habitations. Et pendant que vous vous posez la question « pourquoi avoir construit une gare ici ? » un petit mec arrive, charge un sac sur sa moto et repart vers la ligne d'horizon. « Ah, c'était pour ca ?! »
Et après 40 heures de train ca commence à peser.
Quand j'ai vu le soleil se coucher sur le Tibet, j'ai eu le souffle coupé, les yeux révulsés et les couilles qui me sont remontées dans la gorge (enfin à peu près).


Avez-vous déjà vu une ligne d'horizon aussi plate ailleurs que sur l'océan ?

Les premières tentes à l'approche de Lhassa, la vie reprend.

*réponse : l'avant dernier caractère de la phrase est en fait un CO2 écrit verticalement. Si si, j'vous jure !